La tragique Histoire du
Radeau de la Méduse

On connaît bien ce tableau, exposé au Musée du Louvre, de Théodore Géricault
( 1791-1824 ) mais cette oeuvre de fiction est directement inspirée d'une terrible aventure
que nous pouvons reconstituer, du moins partiellement, grâce à divers témoignages de l'époque.

Petit historique :
Sous Napoléon les "comptoirs" français du Sénégal étaient devenus anglais.

En 1816 Louis XVIII peut récupérer ces territoires ; ce pourquoi il décide l'envoi d'une expédition avec quatre navires et près de quatre cents personnes (dont le Gouverneur désigné et
sa famille, diverses autorités civiles et militaires, scientifiques, futurs colons, cent cinquante
soldats pour la garnison à Saint-Louis et,
bien évidemment, quelque cent membres d'équipage et leurs officiers)
.

La Méduse, navire amiral, est une frégate -->
trois-mâts. Elle est accompagnée d'une corvette (petit trois-mâts) l'Echos ,
d'un brick (deux mâts) l'Argus et de la flûte (navire de chargement) la Loire.

 

Son capitaine, commandant de l'expédition, est Hugues Duroy de Chaumareys, aristocrate exilé pendant la Révolution... qui n'a pas navigué depuis 25 ans et qui s'entend mal avec ses jeunes officiers (républicains ou bonapartistes).

Le 17 juin 1816 la flottille quitte Rochefort à destination de la côte africaine.
La Méduse et l'Echo distancent rapidement les autres navires et, après une brève escale aux Canaries, repartent vers le Sénégal. Les cartes des côtes sont peu précises, les instruments de navigation encore sommaires et le capitaine se fie plus à son instinct qu'au rapport de ses officiers.
Si bien que le 2 juillet, après avoir perdu de vue l'Echo, la Méduse s'échoue sur le banc de sable d'Arguin (pourtant signalé mais mal estimé par Chaumareys) avec près de 400 personnes à bord.

 

Dessin par Alexandre Corréard,
ingénieur et géographe, survivant du radeau.



Le temps est clément mais il faut alléger le navire pour espérer le désensabler.

Le 3 juillet , dans la précipitation,
on décide de construire un radeau (20m x 7m)
avec divers éléments du bateau afin de le charger du matériel et des provisions qui l'alourdisse ; de plus on jette quelques
tonneaux de poudre à la mer.

Mais toutes les manoeuvres pour se dégager
échouent pendant que l'état de la mer
et du temps se dégrade.

Dans la nuit du 4 au 5 le gouvernail se rompt,
la coque se fissure et les pompes ne fournissent plus. L'évacuation commence dans l'affolement.

Les 6 chaloupes sont mises à l'eau.
On s'y entasse plus ou moins avec un ordre prescrit par les officiers.
Dans le canot principal ont pris place
le Gouverneur et sa famille,
divers notables, officiers et soldats.

Environ 150 personnes montent sur le radeau qui prend l'eau rapidement.
En principe les canots doivent le remorquer jusqu'à la côte qu'on présume assez proche.


Une quinzaine d'hommes décide
de rester sur le navire échoué.

Le destin du radeau.

Seuls quelques vivres ont été embarqués ainsi que des tonneaux d'eau et surtout
de vin
qui lui sont accrochés.

En raison du mauvais temps le radeau fait dériver les chaloupes qui, peu à peu, larguent
les amarres qui les reliaient au radeau...

Celui-ci, livré à lui-même va connaître une tragédie que l'on a peine à imaginer et que
l'on ne connait que par les témoignages
des quelques survivants.

Le peu de vivres fut rationné car la faim
et la soif se firent vite sentir.
La nuit fut tempêtueuse et une vingtaine d'hommes périrent enlevés par les vagues.
Le jour ramena quelque espoir car le radeau semblait dériver vers la terre mais la faim et la soif (avec la chaleur) se faisaient de plus en plus violentes et les hommes buvaient plus de vin qu'ils n'auraient du, malgré le rationnement.
La nuit suivante fut encore plus terrible et la population du radeau diminua encore.
Au lever du jour ce fut la révolte des marins et soldats contre les officiers qui fit de nombreuses victimes. Après une accalmie elle reprit dans la nuit ; ce fut un carnage qui se termina par la mort d'au moins soixante-dix hommes !

 


En bleu (pointillés) la dérive du radeau :
En
vert: trajet des canots du Gouverneur
et du capitaine ;
en rouge celui des chaloupes ;
en pointillé le trajet des rescapés des chaloupes.

Parfois l'espoir revenait en croyant apercevoir des voiles ou même la terre.
Puis à nouveau le désespoir et la folie amenant certains à se jeter d'eux-mêmes dans la mer.
Mais le pire était à venir avec des scènes de cannibalisme que les officiers ne purent empêcher...
Dans les jours qui suivirent de nouvelles révoltes où les morts violentes et les morts par épuisement se succédèrent il ne resta au bout d'une semaine que vingt-sept hommes sur le radeau.
Une douzaine étant trop gravement blessés furent pécipités dans la mer...
Les jours qui suivirent furent des plus difficiles, particulièrement en raison de la soif, mais ramenèrent aussi parfois quelque espoir à la vue de goêlands qui s'approchaient du radeau laissant imaginer la terre proche... mais sans doute encore assez lointaine.
Enfin, le 17 au matin, alors que tout semblait définitivement perdu une voile apparut à l'horizon. Un homme, monté sur le mât de fortune agita des chiffons multicolores espérant se signaler
mais de nouveau la voile disparut. Le désespoir s'abattit sur les survivants.
Le lendemain matin, alors qu'ils s'apprêtaient à mourir il aperçurent au loin un brick qui se dirigeait droit sur eux ; c'était l'Argus, parti à la recherche des tonneaux d'or restés à bord
du navire échoué et qui, par hasard, découvrit le radeau.

Transportés à bord, réconfortés, nourris et soignés jusqu'à leur transfert à Sain-Louis du Sénégal, mais malheureusement cinq d'entre eux succomberont d'épuisement avant d'y arriver.
Il n'y aura donc que dix survivants de ce tragique radeau.

Alexandre Corréard (ingénieur-géographe) et Jean-Baptiste Savigny (médecin),
deux rescapés du radeau
qui écriront leur triste aventure.

Parmi les autres naufragés, embarqués sur les chaloupes, certains atteindront la côte
la plus proche et rejoindront Saint-Louis par la terre avec nombres d'embûches et de morts.
D'autres arriveront directement au port (voir carte ci-dessus).

A son retour en France le Commandant sera condamné à la dégradation et à trois ans de prison.


ANNEXE
Géricault et quelques études pour ce tableau

Né en 1791 à Rouen dans une famille bourgeoise.

Il étudie dans l'atelier du peintre Vernet puis aux Beaux-Arts. Il copie de nombreuses oeuvres du Louvre particulièrement les nus et les chevaux.
Il s'installe dans son Atelier, reçoit plusieurs prix et, A 21 ans, il est déjà célèbre.
Il voyage en Italie où il est très inspiré par les peintres de la Renaissance (Michel-Ange, Titien,...) et par les scènes militaires (en particulier du français Antoine Gros).

En 1819, suite à "l'affaire de la Méduse" il se lance dans la composition du tableau après de nombreuses études (y compris sur des cadavres).

Mal reçu par la critique en France il est admiré en Angleterre d'où le peintre reviendra malade (tuberculose?) Il continue cependant à peindre mais mourra d'épuisement le 26 janvier 1824,

Il aura profondément inspiré Eugène Delacroix.


 

 

4 études

 

 

 

La révolte

Scène de cannibalisme